"On constatera que des traits bien accusés caractérisent la pensée chinoise. Elle est orientée vers la culture et non vers la pure connaissance; elle tend à la sagesse et non à la science. Elle relie l’homme à l’univers, car la nature ne forme qu’un seul règne. Il faut insister sur ce sentiment intime de l’unité du monde. Les Chinois ne songent pas à opposer le sujet et l’objet; ils les relient. Dans cette pensée, rien ne répond à notre rationalisme, et encore moins à notre criticisme. L’ordre unique qui préside à la vie universelle se réalise concrètement par l’Entente mais ne s’exprime pas abstraitement par la Loi. La sagesse des hommes et l’ordre de la nature sont en harmonie; la société et l’univers forment un système de civilisation."
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"Veut-on un exemple des constatations de l’auteur? "Insistant sur le fait que les Chinois ne subissent volontiers aucune contrainte, même simplement dogmatique, je me bornerai à caractériser l’esprit des mœurs chinoises par la formule: ni Dieu ni Loi. La sagesse chinoise est une sagesse indépendante et tout humaine. Elle ne doit rien à l’aide de Dieu. Or, il faut songer que les Chinois ont conquis à leur mœurs, à leurs arts, à leur écriture, à leur sagesse, l’Extrême-Orient tout entier. Dans tout l’Extrême-Orient, de nos jours encore, aucun peuple, qu’il paraisse déchu ou qu’il s’enorgueillisse d’une puissance neuve, n’oserait renier la civilisation chinoise.""
Présentation de l’ouvrage de Marcel Granet, "La Pensée chinoise", Editions Albin Michel, Paris, réédition du 15 mars 1988 dans la Collection "Evolution de l'Humanité" (éditions originales: 1934 et 1968).